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4 août 2008 1 04 /08 /août /2008 19:51

La longue carrière de Bernard Tapie aura été émaillée de procès d'intention et de procès en justice, de petits arrangements avec la morale, de faux-semblants et de vrais ratés, de renvois d'ascenseur et de petites vengeances. Il ne faut pas en déduire qu'il était le vilain petit canard dans une couvée immaculée.
 

Bernard Tapie n'a jamais rien inventé. Ni les reprises de sociétés avec l'argent des autres ni les plans sociaux malgré les promesses de redressement ni les habiles montages financiers et les bilans acrobatiques. Ni l'entrée en politique au bluff et au bagout ni les petits meurtres entre amis au service du patron (la candidature sabordée de Michel Rocard aux européennes sur commande de François Mitterrand). Ni l'achat de joueurs adverses pour faire basculer le sort d'un match déterminant. Ni la dissimulation fiscale. Dans tous ces domaines, il a été devancé, parfois dans des proportions qui le renvoient dans la cour des petits

Mais, quand d'autres sont volontairement discrets et se spécialisent, lui aura tout fait dans l'étalage, avec une superbe et un culot sans bornes. Pas de complexes ni d'inhibition, pas d'inutiles considérations sur la qualité de l'oeuvre : seule la réussite rapide et publique comptait. Bernard Tapie, de son premier disque de variétés à ses derniers rôles à la télé, aura tout fait pour occuper l'espace médiatique : homme d'affaires, ministre, président de club. On pousserait évidemment le bouchon un peu loin en faisant de lui une victime de son époque. On n'aurait en revanche pas tort de le considérer comme un accro consentant aux drogues des années quatre-vingt.

Il est à la fois la permanence d'un type d'homme - l'aventurier affairiste que Balzac avait dépeint dans La Comédie humaine - et le parfait coucou des nids contemporains. Cette fin du XXe siècle aimait l'argent, la compétition, la réussite et leurs images. Il se lança dans les affaires, la politique et le sport. Et pour bien montrer qu'il avait compris son époque, il anima une émission de télévision intitulée Ambition.

Évidemment, tout finit par s'effondrer. Parce que le culot ne remplace pas le talent. Mais aussi parce que les valeurs à la mode avaient changé. La croissance n'est plus la panacée et les patrons ne sont plus des hommes providentiels. Après avoir suscité un enthousiasme naïf, le monde de l'entreprise provoque aujourd'hui une suspicion maladive. Et après avoir fait rêver, la croissance et la consommation font peur.

Bernard Tapie ne pouvait évidemment résister à ce retour de la morale, de la prudence, et à l'invention du principe de précaution.

Sa possible résurrection financière - si aucun appel n'intervient quant à la décision du tribunal arbitral de lui accorder près de quatre cents millions d'euros - nous renvoie aux illusions économiques et politiques des années quatre-vingt, à leur strass et à leurs paillettes. Personne n'est pressé, ni dans le monde politique ni dans la société, de revisiter cette décennie qui n'est pas la plus glorieuse de notre histoire. En sorte qu'on peut penser que la commission d'enquête, si commission il y a, s'éteindra sans doute dans un lent et sifflant pschitt. •

 

 

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